Escapade au Lac Baïkal
Paroles de voyageurs
Escapade au Lac Baïkal
« Pour faire une bonne journée il faut se lever tôt », pas de souci, la journée sera bonne !
le 13 à 5 H.30 nous posons le pied en Sibérie.
Nina est là, parlant le français à merveille, accueil chaleureux , toute prévenante . Dans cet aéroport, à échelle humaine, tout en faisant rapidement connaissance avec nous, en un tour de main Nina récupère nos bagages, les fait charger dans le taxi qui nous attend et le voyage continue durant 3H. à travers la taïga, jusqu’à Koultouk ( Kultuk) sur le bord du Lac Baïkal, là où réside Nina. Dans sa datcha Nina nous hébergera durant notre séjour en Sibérie.
Soucieuse de nous faire récupérer la lassitude dû au voyage, Nina reporte la visite des lieux et la présentation des membres de la famille, elle nous attribue nos chambres pour un petit repos compensateur. La sieste sera de courte durée, le trajet ne semble pas nous avoir éprouvé ; l’excitation de se sentir en Sibérie, sur le Baïkal, de partager la vie de nos Hôtes nous tirent rapidement hors du lit.
La petite pluie qui nous avait accompagnés aux aurores a cédé sa place au soleil, ses rayons nous accueillent dans la salle à manger où nous faisons plus ample connaissance avec la Famille et où nous attend un copieux petit déjeuner
Nina, professeur de français au Lycée de Koultouk, plus ou moins à la retraite, veuve d’un Ingénieur Haut Responsable à Irkoutsk de la distribution de l’énergie électrique sur cette partie de la Sibérie, a construit cette datcha pour l’exploiter en « chambres d’hôtes ». Victor, son compagnon, Colonel de l’Armée Rouge en retraite, la seconde efficacement, notamment dans les travaux d’aménagement.
Natacha, sa belle fille, au fourneau, assure la restauration pour le plus grand bonheur des pensionnaires. André, son fils, mécanicien à son compte, n’intervient pas dans le fonctionnement du gîte ; Sacha, leur Fillette de 7 ans, prend plaisir à nous côtoyer, à nous faire découvrir sa taïga.
De construction récente, entourée du potager, la datcha nous offre le confort, le bien être du bois ; son annexe, le délassement par les vertus du sauna.
Le plus grand pays du monde et pour longtemps encore, abritera des zones d’ombre où peu de voyageurs tenteront l’aventure. La Russie:de par son immensité, de par la situation géographique de certains de ses territoires où la Nature règne en maître, où la rudesse du climat est inhospitalière est d’une complexité telle que nul ne peut se prévaloir de la connaître, Russes compris. Il y a pour nous, profanes, des sites mythiques qui symbolisent cette grande inconnue qu’est la Russie. Trois parmi tant d’autres me fascinent et aiguisent ma curiosité.
La Volga nous à fait vibrer et frissonner d’émotion avec ses Bateliers. Puis, dernier rempart contre le nazisme, nous a tenu en haleine chaque soir au cours de la Guerre Mondiale, plus connu sous la dénomination : « La Bataille de Stalingrad », aujourd’hui Volgograd. A la lumière d’une bougie, derrière les volets clos, l’oreille collée au poste radio au son brouillé par les « boches », en déplaçant des petits drapeaux sur une carte, nous nous sommes mis à espérer : à la défaite hitlérienne et dans notre euphorie naissante, à une Paix durable.. !
Moscou et Leningrad redevenue St.-Pétersbourg, hormis les Mongols et les Cosaques, venus de l’Est, lors de temps anciens ; les conquérants européens, guerriers aventuriers et sanguinaires des temps modernes s’y sont cassés les dents, au mépris des Hommes et des Populations pour les souffrances et les millions de victimes engendrées par leurs ambitions. Deux villes qui se sont et se partagent, la vie historique et politique de la Russie.
Lors de voyages précédents nous avons soulevé un petit coin du voile et découvert, avec intérêt ce que furent et ce que sont aujourd’hui Moscou et St. Pétersbourg, le mystère demeure pour la suite du voyage.
La Sibérie dont le nom est tiré d’un ancien état issu de la chute de l’Empire Mongole « le Khanat de Sibir », aux dimensions hors de notre échelle, où les ressources végétales et minérales sont aussi variées qu’inestimables, où la vie aux conditions extrêmes et le rêve se perdent faute d’horizon…..
Sur plus de 7 000 km. d’Ouest en Est de l’Oural à l’Océan Pacifique, plus de 3 500 km. du nord au sud de l’Océan Arctique à la Mongolie, la Sibérie est une énigme aimantée et plus que cela, pour nous, un marche-pied vers la Mongolie.
Notre première visite est pour le Maître des lieux : le Lac Baïkal.
Huitième dans l’ordre de classement des plus grands lacs du Monde il est le plus profond, 1 741 m. et le plus grand réservoir d’eau douce. A 1 700 km. de la mer, orienté Nord Est – Sud Ouest, il se love entre les montagnes sur 620 km. de longueur, sa largeur varie de 15 à 80 km.
Alimenté par plus de trois cents rivières son unique émissaire, au Sud Ouest, est l’Angara inférieure laquelle se jette dans la Iénisseï, ainsi ses eaux douces remontent au Nord dans l’Océan Arctique. Sa couleur, d’un bleu intense, est dû à la clarté de ses eaux, à sa profondeur, mais aussi aux montagnes qui le cernent. Pollué durant plusieurs décennies par les rejets d’une usine de pâte à papier, depuis 1970, suite aux infrastructures mises en œuvre pour assainir les eaux de rejets, le lac se refait une santé, une santé vitale pour sa faune exceptionnellement riche et les populations qui, pour partie, dépendent de lui.
L’industrialisation sur ses rives a perdu de son intensité comme en témoignent, au port de Kultuk (Koultouk), l’absence d’activité du dépôt de charbon et le bateau rouillé, grelottant au bout de ses chaînes et laissé en pâture aux amateurs de ferraille.
En aval du port s’étale une grande zone d’alluvions, grève sablonneuse, en pente douce aux abords du lac, puis constituée d’une prairie où paissent les bovins. La grève est le lieu de prédilection des oiseaux aquatiques mais aussi, Oh surprise, en fin de journée le rendez- vous des bovins. En troupeaux serrés les uns contre les autres ils s’abandonnent et se prélassent pour une séance, d’une heure au moins, aux bienfaits de la thalassothérapie. Immergés jusqu’au ventre ils sont là, stoïques, sans doute à attendre que l’eau bienfaisante délasse leurs pattes tout en les protégeant des moustiques.
Hormis cette zone, les berges du lac deviennent rapidement pentues, colonisées par la forêt et la taïga elles ne laissent que peu de place pour les voies de communication sur ses rives. Le recul depuis le port permet une perspective sur le versant rive droite sur lequel s’étage Koultouk puis, en amont, la double voix du Transsibérien. Cette ligne, parallèle au lac, tracée sur le versant forestier, nous laisse pantois par la densité de son trafic. Tirés et poussés, par quatre ou six motrices, les trains de quatre-vingts wagons chargés de bois se succèdent au quart d’heure près. Certes, la Sibérie a des ressources mais, après avoir constaté l’exploitation intensive et les parcs à bois sur les rives de la Volga, le forestier se fait quelques soucis devant cette hémorragie de matière première, matière renouvelable mais pas à la cadence des tronçonneuses. Les « profiteurs » d’aujourd’hui bénéficient des contrôles défaillants, dus au démantèlement des Services de l’Etat.
Sur les contreforts du lac, le dominant, Koultouk, aux datchas colorées, attend paisiblement des jours meilleurs. A l’opposé des villes phares, Irskoutsk, Moscou, St. Pétersbourg où l’effort de prestige et l’essor des nantis font vitrines, les provinces se dégradent et s’étiolent.
Le chômage s’installe comme une fatalité, le bas niveau de vie régresse sans cesse. Quelle que soit la position sociale cette récession, qui sévit depuis près de vingt ans, est une réalité qui dure et se vit au quotidien. A quelques rares exceptions, chez Nina par exemple, les fleurs ne font pas concurrence aux légumes, l’urgence est au potager. L’absence d’entretien des bâtiments publics, le Lycée, entre autres, le mauvais état des rues, dénotent le manque flagrant de moyens. La Population subit, se résigne avec fierté, mais ne se départit pas de sa légendaire hospitalité.
Au delà et en amont du Transsibérien, à l’infini, s’enfonce la Taïga.
Malgré son jeune âge, Sacha, ambassadrice initiée aux vertus de la taïga, le temps d’une incursion dans ce sous- bois, nous fait entrevoir le rôle vital de la taïga pour les Sibériens. Poumon d’oxygène, elle est présente dans tous les actes de la vie : le résineux pour ses multiples utilisations dont la construction des datchas , le bouleau dont le bois et l’écorce servent entre autres à l’artisanat , les arbustes et les 'simples' pour leurs pouvoirs thérapeutiques, les baies de toutes sortes pour l’alimentation, le gibier pour la nourriture et les peaux, etc ….etc…Au cours de cette petite randonnée, ça nous manquait.. ! nous avons rencontré des Dames occupées à la cueillette des baies, des Messieurs chargés de ballots de branchages en sève.. ?
De ces découvertes, le soir, nous en apprécions les effets. Dans le potager de Nina nous avions remarqué un cabanon, ce n’est que lorsque nous y fûmes conviés (es) d’entrer que nous avons pris conscience de sa bénéfique utilité, conscience également des effets, « essentiels », des ballots de verdure dans la vaporisation qui caractérise le sauna, la réparation est laissée aux bons soins de Victor. Délassés (ées), nous sommes en parfaite condition pour passer une excellente soirée avec nos Hôtes, en dégustant la vodka et les succulentes spécialités cuisinées par Natacha. Nina avec son expérience, son professionnalisme, sa qualité d’interprète, nous ouvre une fenêtre sur la Sibérie, anime nos propos. Oubliées l’obsession et la tension des voyages de groupes, ici nous ne sommes pas en voyage mais en visite chez des Amis, l’accueil y est chaleureux, l’ambiance sereine.
Par le bus nous allons à Suldyanka, ville Bouriate, très important centre ferroviaire et de triage du Transsibérien.
Avec Nina pour guide nous nous fondons parmi la Population, tant sur le marché ouvert que couvert où les baies de la Taïga sont présentées dans leur variété de conditionnements. Visite de l’Eglise Orthodoxe et de l’important Musée Zhigalov’s ; Musée Géologique privé, d’une exceptionnelle richesse où, entre autres choses, sont exposées plus de 10 000 minéraux.
De retour à Koultouk, nous répondons favorablement à l’invitation, puis à la tentation de faire une promenade sur le lac. A la vue du « bateau », l’enthousiasme affiche quelques bémols, novices en navigation il faut faire confiance à Nina et plus encore à notre Capitaine.
La classique barque en bois équipée d’un moteur oui, quand même.. !, n’a pas la capacité d’embarquer sept personnes, il sera donc nécessaire de faire deux passes : « à qui l’honneur ».. ? Dès l’automne, aux températures négatives extrêmes, le Lac gelé devient une voie de communication pour les véhicules, poids lourds compris, voire même pour le train après l’installation, c’est évident, d’une voie ferrée provisoire. Le périmètre du Lac faisant plus de 1 900 Km., ces possibilités permettent de passer d’une rive à l’autre dans les meilleurs délais. Pour l’heure c’est la coquille de noix et la destination qui nous préoccupent, en face, à y regarder de près, c’est loin…!; la barque, sur cette étendue d’eau, est un colvert sur le lac d’Annecy ! Bon, allez, faut y aller et déjà, en premier lieu, ne pas louper la « marche »; vaillants et courageux, « marins sans peur et sans reproche », bien encadrés pour Eliane et Michel c’est parti. Précédent la gerbe d’eau, ainsi que l’éventail des vagues qui se prolongent à l’infini, de la berge la barque n’est plus d’un point, une nèppe sur un étang. Amorçant une courbe sur la droite nous devinons qu’elle accoste quelque part dans la nature, non dans une agglomération.
Accompagné de Nina, Alex, notre jeune et sympathique matelot, étudiant au Lycée, élève de Nina, marin d’eau douce et d’occasion pour arrondir ses fins de mois durant les vacances, revient pour la deuxième vacation. Embarcation immédiate avec chacun (une) sa petite dose d’adrénaline, je soupçonne Nicole de l’avoir doublée. Très vite nous oublions les risques supposés au départ , grisés (es) par la vitesse, les vagues, les odeurs, les couleurs, la profondeur du Lac, nous profitons pleinement de cet environnement, sans appréhender le retour.
Débarqués et réunis (es) au Cap Shamanski, presqu’île de Chamouka, nous avons rendez-vous avec l’Histoire. Ce n’est que vers le milieu du 17ème siècle que les Russes arrivent par l’ouest et découvrent le Lac Baïkal, ouvrant ainsi la voie aux relations et liaisons commerciales avec la Chine. Bien antérieurement à cette ère des populations venues de l’est, d’Asie, se sont installées sur les rives méridionales du Lac, entre autres Les Bouriates, créant leurs premiers campements sur cette presqu’île puis, sur le rivage, la ville de Sludyanka.
Les Bouriates pratiquent le Shamanisme, religion basée sur la Nature et les Esprits, pour Eux le matérialisme moderne n’est pas une priorité, la simplicité est une forme naturelle de vie. Pour les Bouriates, cette presqu’île est un lieu religieusement historique, ont y voit encore les traces d’anciennes sépultures. Aujourd’hui le site est rendu à la Nature mais c’est un endroit de visite, de recueillement, les chiffons de prières, accrochés aux rameaux des arbustes, avec les fleurs sauvages irisent le paysage au relief quelque peu mouvementé. En 2004 y eut lieu un rassemblement spirituel de Shamans Bouriates et entre autres Mongoles.
Hormis la variation des couleurs, due à la position du soleil, le retour est à l’identique et procure les mêmes sensations. Merci Alex de nous avoir remis sur la terre ferme, ne sachant pas nager, sans gilet de sauvetage, nous aurions pu appâter les « Omouls »…!
Approximativement de la taille d’une belle truite, « l’Omoul » est un poisson du Lac. Les Sibériens le consomment principalement fumé, frais ou séché. Séché fumé, se conservant longtemps, à la base de leur alimentation, il occupe une place privilégiée à l’étal des magasins et des marchés. L’important marché de Koultouk, qui lui est réservé, se tient en bordure de route sur une plate forme qui domine le Lac.
Ce soir, accompagné des légumes préparés par Natacha, nos papilles gustatives se font un plaisir de le déguster. Auparavant nous avons eu le privilège d’être initiés (es) à sa cuisson, la préparation incombe à Nina, le fumage simultané avec la cuisson sont placés sous la haute responsabilité de Victor. Comme les arômes « essentiels » du sauna, le fumage et la cuisson de « l’Omoul »’ sont, chez Nina, des recettes « protégées », « révélées » sur place aux Amis (es), entre deux lampées de Vodka …!
Nous meublons les dernières heures àKoultouken faisant un dernier tour de ville. Nous en profitons pour nous rendre : à la poste afin de marquer notre passage par l’envoi de quelques cartes ; à l’épicerie pour y faire quelques provisions afin d’assurer notre subsistance dans le Transsibérien. Passage un peu « folklo. » à l’épicerie où, pour se faire comprendre, la patience et la bonne humeur furent de règle. Lorsqu’il a fallu payer la note, avec les roubles dont nous disposions, nous avons apprécié le pragmatisme de l’épicière, pour faire l’appoint, elle échangea les gros œufs contre des plus petits… !
Un dernier clin d’œil à Koultouk et déjà le taxi de Vladimir est devant la datcha pour charger les bagages et nous conduire à Irkoutsk. L’instant de séparation avec les Personnes qui, en quelques jours, sont devenues des Amis(es), est un moment d’intenses émotions. Heureusement, devant la Datcha, les clichés souvenirs ont le mérite de nous faire sourire.
Les cent kilomètres, qui nous séparent d’Irkoutsk, effectués de jour et par beau temps nous permettent de profiter du paysage sibérien. Nina bien entendu nous accompagne et en plus d’être une guide émérite, avec les services des chemins de fer elle réglera au mieux nos places dans le Transsibérien. Une mauvaise interprétation, quand et à quel niveau, nous condamnait à être séparés et à voyager dans deux trains décalés dans le temps. Situation inconcevable pour nous mais, comme de la discussion jaillit la lumière tout finit par s’arranger.
Poste avancé des Cosaques, établi sur l’Angara dès le milieu du 17ème siècle Irkoutsk, capitale de l’oblast d’Irkoutsk, est devenue une ville industrielle et commerciale d’environ 700 000 Habitants. Ville universitaire et culturelle, historiquement liée à l’essor de la Sibérie, Irkoutsk est la porte ouverte vers l’Est et l’Asie.
Nina est intarissable sur l’histoire, la culture et la vie de cette ville qu’elle affectionne, Vladimir nous dépose là où elle a prévu des visites. Le temps nous manque pour découvrir cette ville, avec plus de détails, toutefois nous en retiendrons l’essentiel. L’esplanade rive gauche de l’Angara, avec le Théâtre et le Musée de style baroque reconstruit après qu’un incendie eut détruit une partie de la ville, sont des lieux accueillants, de détente. Nous admirons la magnifique église St. Sauveur. Le quartier et l’église des Décembristes nous ouvrent une page d’histoire de la Russie. Ici, une page qui ne s’écrit pas en raccourci, comme les écrivains ont tendance parfois à le faire. Pour le profane la Sibérie est synonyme du goulag, à des milliers de kilomètres comment pourrait-il en être autrement, d’autant que cette une honteuse réalité. Une réalité qui date de près de deux cents ans, pensée et créée par Le Tsar Nicolas 1er où il exila dans des camps de travail les militaires qui, en décembre 1825, à St Pétersbourg, s’opposant à son régime avaient conspiré contre lui.
Connus sous le nom de « Décembristes », sous la garde de l’armée , ils furent expédiés en Sibérie dans des camps de travaux forcés, ils participèrent ainsi à la construction du Transsibérien. Leur peine purgée, ceux qui avaient survécu furent assignés à résidence en Sibérie, pour ceux qui avaient encore de la famille elles furent autorisées à les rejoindre, devenant les artisans de la construction et de l’essor d’Irkoutsk, lui insufflant ce côté frondeur épris de Liberté.