On a marché sur la lune ! récit d'un voyage dans l'altiplano
Paroles de voyageurs
On a marché sur la lune ! récit d'un voyage dans l'altiplano
C'est souvent vous qui en parlez le mieux et nous sommes ravis d'être les destinataires de vos récits émerveillés qui nous parviennent parfois en direct !
Merci à Mme V. pour ce joli reportage du jour de son anniversaire passé entre le nord du Chili et le sud de la Bolivie ...
Pour ce passage d’une dizaine, que pouvais-je faire sinon me mettre en 4 pour fêter dignement cet évènement ?
Le challenge sera donc le suivant pour ce jour J : avoir un jour d’anniversaire de 28 heures (soit un gain de 4 heures), fouler mon 4ème continent de l’année, être dans un endroit avec 4 pelés et 1 tondu tout en passant un 4000 mètres !
Vous êtes bien sûr en train de vous dire qu’une telle chose est impossible, que je demande la lune. Mais comme disait Marc Twain « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ». Alors oui, ce jour-là j’ai demandé la lune… et je l’ai eu…
Alors êtes-vous prêts à marcher sur la lune ? La “Valle de la Luna”, au nord du Chili dans la “Cordillera de la Sal”, est classée sanctuaire de la nature et porte bien son nom. Elle a la forme d’un amphithéâtre entourée de dunes. Des falaises torturées, mêlant terre et sel, avec une alternance de couleurs ocres et blanc intense, et par endroits des dunes de sable très fin de couleur grise/rose. On peut escalader la plus grande dune de sable, la Duna Mayor et admirer du haut de la crête le paysage lunaire. Cette cordillère de sel est née d’un mouvement tectonique qui a soulevé le fond d’un lac asséché. Une “montagne de sel” a alors surgi. Le vent et le soleil se sont amusés à sculpter d’étranges formes : ces roches naturellement sculptées évoquent des monstres préhistoriques fossilisés, une queue de crocodile ou bien encore des femmes comme Las Tres Marias.
On a vraiment l’impression de marcher sur la lune… Vivre ici… / C’est vivre au jour le jour / Les nuits aussi / C’est croire que l’on peut encore / Marcher sur la lune / Sur les étoiles aussi…
OK, ce n’est pas ce que vous espériez lorsque je vous ai annoncé “on a marché sur la lune” dans le titre de l’email, une référence, bien sûr, à l’album de Tintin. Ici pas besoin de fusée rouge et blanche ni de combinaison de cosmonautes oranges pour marcher sur la lune. Mais comme le dit si bien Sebastien Stark, alias Shark (excellente série TV - malheureusement il n’y a eu que deux saisons), un brillant avocat dénué de scrupules et de morale (un genre de Dr House du droit): “La vérité est relative, prenez celle qui marche”
Mais revenons à cette journée J… enrichie de 4 heures supplémentaires; c’est l’heure du coucher de soleil. A l’horizon, les Andes. Et la ligne des volcans qui culminent à plus de 5000 m. L’un deux, le Licancabur (5960 m), est un cône parfait. On ne se lasse pas de photographier tellement le panorama est superbe, immense, majestueux ! Mais, la nuit tombe et il est temps de rentrer dans le charmant village San Pedro de Atacama, une véritable oasis au milieu de ce désert. Ce petit village, peuplé depuis plus de 10 000 ans, a reçu son nom des Atacameños qui étaient les habitants originaux de cette zone.
C’est la porte d’entrée de la Bolivie… Faudrait passer la frontière / Aller au-delà / Sans faux pas / Voir ce qu’il y a juste derrière…
Passons donc cette frontière pour aller découvrir l’altiplano bolivien qui paraît-il est “la” région à visiter. Et c’est vrai que cela dépasse l’imaginaire, le mien comme le vôtre: une nature sans fin, un voyage grandiose au milieu de décors sortis tout droit d’une autre planète, mais qui se mérite… c’est une région au climat aride, où les sommets et autres Salars côtoient l’infini; il fait partie sans nul doute parmi les plus beaux paysages au monde. Juste après avoir traversé la frontière bolivienne, on se retrouve à admirer, à 4 320 m d’altitude, la Laguna Verde aux reflets bleus-verts, nichée au pied du magnifique volcan Licancabur (encore lui, mais vu de autre profil, le profil bolivien !). Elle offre un paysage d’une beauté à couper le souffle.
Sa couleur est due à l’importante concentration de carbonate de plomb, d’arsenic, de calcium et de soufre dans ses eaux (tout pour vous inciter à prendre un bon bain !). Au lever du jour, lorsque le vent se lève et soulève les sédiments, le lac vire du brun profond au vert émeraude en quelques instants. C’est entre 12h et 14h que la coloration verte est la plus marquante. L’endroit est en journée constamment exposé au vent, qui fouette l’eau et génère une mousse blanche se déposant sur les bords. A côté de la laguna Verde se trouve la Laguna Bianca, ces deux lagunes se rejoignant par un petit détroit. Tout comme la laguna Verde, la laguna Bianca doit son nom aux minéraux présents dans ses eaux. On ne se lasse pas de profiter des jeux de couleurs et de reflets de cette lagune… Sur l’altiplano bolivien, il faut compter avec un ciel pur, un soleil aveuglant aux rayons ultra violets qui brulent la peau, une atmosphère raréfiée où le moindre mouvement demande plus d’efforts, des espaces colorés où la vue porte à l’infini où pointent des cônes enneigés, où l’eau bout à 70°; mais surtout avec les services de bons guides/chauffeurs Boliviens qui sont les seuls à détenir les itinéraires des cartes routières; dessinées dans leur cerveau… On traverse le désert de Dali, situé à 4750 m d’altitude, dont le paysage est surréaliste. Ici, la terre regorgent de minéraux ce qui donnent aux paysages des couleurs surnaturelles. Il est nommé ainsi pour sa grande ressemblance avec les célèbres tableaux de Salvador Dali.
Les formations rocheuses érodées par l’action du vent possèdent des formes plus que surprenantes, comme sculptées par l’artiste lui-même ? Dans ce désert minéral, d’apparence hostile pour toute forme de vie, on croise au détour du chemin des troupeaux sauvages de vigognes (de la famille des camélidés – un genre de chameau sans bosse si vous voulez) mais aussi l’un de leur prédateur…
Mister Fox: The fox had done running / And the beast is at bay / He'd run them in circles / By the end of the day.
Au pied du Cerro Polques, voici les Thermes de Polques, un petit bassin où l'eau est à 30°C alors qu'à l'extérieur les températures sont nettement inférieures… On est toujours à 4300 mètres d’altitude ! On se baigne dans un petit bassin ou on trempe simplement les pieds dans l’eau chaude pour le plaisir tout en s’émerveillant devant le paysage de la Laguna Salada. 50 kms de plus et nous rejoignons à 4870 m les solfatares de Sol de Manana.
C’est un ensemble très impressionnant de 2 km² de mares de boue bouillonnante et de fumeroles. Attention où l’on pose les pieds, car aucune protection n’existe. C’est à nous à rester prudent.
Comme d’habitude pourrait-on dire: chaud dedans, froid dehors ! Des restes de l’hiver font face à l’ensemble de Sol de Manana: d’étranges pics attendent sans doute l’ultime coup de “glace” du printemps !
Nous arrivons à la Laguna Colorada, un moment tellement attendu depuis le début du voyage. On reste littéralement stupéfait et ébloui devant une telle splendeur. Pourtant j'avais regardé des photos auparavant mais la réalité en est tout autre… D’un magnifique rouge vif (lorsque le vent se lève et brasse les eaux de la lagune), ce lac peu profond, entouré de montagnes, couvre une superficie de 60 km², à 4 278 m d’altitude. Il tient sa couleur de la présence d’algues et de planctons qui se développent dans ces eaux riches en minéraux. La lagune accueille de nombreuses colonies de flamants roses qui prolifèrent faute de prédateurs. Dans les Andes, il existe trois espèces de flamants : le flamant du Chili qui possède un bec blanc à bout noir (mesurant jusqu’à 1 m de hauteur et se nourrissant de crustacés), le flamant de James (le plus petit des trois) et le flamant des Andes (le plus grand avec un bec jaune et noir), qui comme le flamant de James, se nourrit d’algues.
En plus des colonies de flamands roses, un troupeau de lamas (petits et grands) broutent tranquillement au bord de la lagune… rêve ou réalité… on ne sait plus très bien où donner de la tête (qui d’ailleurs cogne très fort… ah, les joies de l’altitude !).
Un dernier coup d’œil sur la Laguna Colorada au petit matin: elle a retrouvé son calme et perdu sa coloration rouge intense mais offre des reflets saisissants. Direction le grand désert de Siloli avec ses couleurs ocres et ses montagnes lunaires, où se dressent des sculptures naturelles étranges dont l’incontournable el’Arbol del Piedra (l’arbre de pierre), une formation géomorphologique d’apparence fragile, impressionnante par sa hauteur d’environ 5 mètres. Ce site marque l’entrée au parc national Eduardo Avaroa.
Commence alors le périple sur la route de Las Joyas (littéralement, la “route des joyaux”), parcours qui passe par plusieurs lagunes: Honda, Chiar kota, Hedionda, Cañapa. Paysage entouré au loin de volcans, la Laguna Honda, dont le nom signifie “lac profond”, n’a en réalité que 10 cm de profondeur. Mais cette faible profondeur rend cette lagune particulièrement calme, et en fait un véritable miroir dans lequel le bleu éclatant du ciel se reflète. La Laguna Cañapa et ses 1,4 km2 de superficie est, elle aussi, entourée de volcans et héberge très une importante faune de… flamants roses. Un spectacle époustouflant, surtout quand les colonies de flamants roses prennent leur envol... Deux flamants (parlant wallon entre eux), tout en rose, agitent délicatement une patte et clopinent d’un pas feutré dans l’eau de la lagune. Ils picorent une larve de sel puis s’évaporent de quelques coups de plumes… Magique !
En suivant la route de Las Joyas, on arrive au Salar de Chiguana (415 km2), perché à plus de 3600 mètres d’altitude ; il est traversé par la voie ferrée qui joint Uyuni au littoral chilien. Après la guerre de 1884 avec le Chili, la Bolivie a perdu le désert d’Atacama et le Chili a donné une faible compensation en offrant un accès gratuit aux ports d’Angofasta et en construisant une voie ferrée entre La Paz et le littoral. On peut observer des petits dépôts de minéraux de bore qui furent exploités au début des années 1990 et exportés en Europe. Ce paysage de sel étonnant s’étend à perte de vue avec en arrière-plan le volcan Ollagüe. Le volcan Ollagüe se trouve à la frontière Chili-Bolivie (altitude de 5870 m) et est l’un des volcans possédant la plus forte activité de toute la Cordillère Occidentale.
Si le paysage peut rappeler certains sites de l’Ouest des USA, on remarque une étrange plante grasse omniprésente, la Yareta qui ressemble à de la mousse collée sur de grosses pierres. En réalité, la plante est dure comme de la roche et pousse de manière concentrique pendant plusieurs siècles. Elle sert à chauffer les foyers (grande énergie calorifique de par la quantité de sa résine) dans les villages isolés de l’altiplano.
Justement en parlant de villages, nous arrivons à San Juan de Rosarion (appelé le plus souvent simplement San Juan) une minuscule localité (un semblant de retour à la civilisation) prise d’assaut par les voyageurs pour passer la nuit généralement dans des hôtels ou refuges construits en sel; les murs sont composés de briques de sel tout comme les tables, les chaises et la base des lits… et sur le sol, des grains de sel, bien sûr: Grain d’sel, mon grain de sel / Fondra comme une étincelle comme le chante Maxime.
Lever très très tôt pour ne pas rater un autre moment fort de ce périple: le lever de soleil sur le Salar d’Uyuni. Le “Ténéré Blanc” et ses 12 000 km² est le plus grand désert salé du monde: Je rêvais d'une autre terre / Qui resterait un mystère / Une terre moins terre à terre / Oui je voulais sauter en l’air. Tous les repères nous lâchent, dans cet autre monde aux conditions climatiques extrêmes; c’est un voyage hors du temps (Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !? Suspendez votre cours: Laissez-nous savourer les rapides délices / Des plus beaux de nos jours !) et de l’espace que de découvrir le Salar d’Uyuni: sur ces plaines désertiques et désespérément plates, le blanc est à perte de vue. Ce désert de sel est un spectacle unique au monde, à la foi lunaire et solaire, glacial et scintillant, qui est même visible paraît-il des passagers des navettes spatiales…
Ce trésor naturel du bout du monde, est l’un des résidus, tout comme le lac Titicaca, de d’une immense mer intérieure qui s’étendait entre les deux cordillères, et qui s’est évaporée. Il était recouvert par le lac Minchin il y a des dizaines de milliers d’années. A la place maintenant un désert de sel et des milliards de cristaux de sel… voilà pour l’histoire géologique. Mais il existe une autre version de l’histoire, une légende locale sur la formation du Salar d’Uyuni… se rapportant au volcan Tunupa (5432 mètres d’altitude) beaucoup plus mignonne. La légende raconte que les volcans de l’altiplano pouvaient parler et se déplacer. Le seul volcan féminin était celui de Tunupa. Un jour Tunupa tomba enceinte mais le père du petit volcan était inconnu… Les volcans masculins discutèrent toute la nuit et prirent la décision de retirer le petit volcan à sa mère.
Cette décision rendit les Dieux furieux et ils retirèrent le droit aux volcans de se déplacer, de parler et de se rencontrer. Le volcan Tunupa pleura tellement que ses larmes et son lait se répartirent alors sur le sol aride; c’est ainsi que serait né le Salar d’Uyuni. Au milieu de cette étendue blanche, se dresse la Isla Incahuasi du quechua “la maison de l’Inca”. Elle est aussi appelée “île du pêcheur”, en référence à l’’île jumelle “du poisson”: également recouverte de ces cactus géants, elle est aussi entourée d’étendue de sel hexagonales. Les chemins aménagées permettent de grimper facilement à son sommet afin d’observer l’immensité le salar. Outre les cactus en fleurs à cette saison, l’île est aussi habiter par les vizcachas, sorte de lapins andins de la famille des chinchillas.
Le Salar est composé de 10 000 millions de tonnes de sel dont plus de 25 000 tonnes sont extraites chaque année. Il possède par ailleurs 140 millions de tonnes de lithium et se positionne ainsi comme l’une des plus grande réserves de ce minéral au monde. La profondeur de ce désert de sel est de 120 mètres. Il se compose de 11 couches de sel distinctes dont les épaisseurs varient entre 2 et 10 mètres. Se retrouver au milieu du Salar est comme être au milieu d’un miroir infini; les illusions d’optiques, vous surprendront…
Sous le salar transitent des rivières d´eau douce et salée. Cette eau, qui passe sous la croûte de sel, emporte avec elle l´air qui va trouver le moyen de ressortir. Ces “Ojos de Agua” sont les endroits où l´air ressort en formant des petits yeux en plein cœur du salar Dernière escale de cette escapade bolivienne, le grand cimetière de trains héritage de l’âge de la vapeur, à proximité de la ville d’Uyuni: des dizaines de vieilles locomotives à vapeur du début du siècle dernier finissent tranquillement leurs vies. Leur époque dorée les vit transporter le minerai d’argent extrait des mines environnantes…
Allez, encore un lever aux aurores pour savourer les images d’un paysage bolivien hors du commun !